UN DROIT SEIGNEURIAL :

CELUI DES MESURES A BLED ET A VIN

 

La vigne est apparue en Anjou, et plus particulièrement dans le Saumurois, dès les premiers temps du christianisme, vraisemblablement au moment où le bon Saint-Martin remontait la Loire.

Abbaye de Saint-Maur

Quelques quatre siècles s’écoulent après la mort de Martin, vers l’an 400, et l’on voit, en 845, le roi Charles le Chauve faire don de vignobles à l’Abbaye de Saint-Maur, au THOUREIL, où ils sont encore de nos jours.

Abbaye de Saint-Maur vue depuis les vignobles

L’abbaye originelle du disciple de Saint-Benoit avait été construite en tuffeau, tout comme l’église paroissiale dédiée à Saint-Martin, autour et sur les ruines d’une implantation romaine, dont les vestiges sont aujourd’hui dégagés et visibles dans la cour de l’abbaye. On peut imaginer, que dès la fondation de l’abbaye, les Bénédictins surent profiter des carrières pour y installer leurs pressoirs et entreposer leurs fûts, muids et barriques.

Les vins de Loire étaient non seulement consommés sur place et dans le reste du royaume, mais aussi exportés, surtout en Angleterre, dès le règne des Plantagenêts.

Objet d’un commerce actif dans le Saumurois, le vin fait l’objet d’un examen minutieux, ce qui permet d’évaluer l’ampleur des récoltes, des échanges et des redevances. D’où le système de mesures des vins.

Voici quelques mesures vinaires usuelles :

  • - Le vaisseau, un récipient de grandes dimensions, variant de 2 à 6 pipes

  • - Le muid, pour les grands commerces, valant de 2 à 4 pipes

  • - la pipe dans les affaires lointaines, vaut deux busses

  • - la pinte, dans les auberges, vaut deux chopines

Un peu d’histoire sur les unités de mesures du IXe jusqu’au XVIIIe siècles.

Vers la fin du règne de Charlemagne (qui introduisit la livre de 12 onces) et pendant celui de Charles II, de 840 à 877, cette uniformité commença à s'altérer. Les seigneurs suzerains, profitant alors des troubles de l'État, introduisirent des usages conformes à leurs intérêts, en créant des mesures plus grandes ou plus petites que le prototype. Bientôt chaque ville, chaque village eut ses poids et ses mesures particuliers ; il y avait même des cantons (comme dans la Bretagne), où l'on était obligé d'avoir jusqu'à six mesures différentes dans le même grenier.

Un édit du roi Henry II en date du 3 mars 1557 disait que les princes, prélats, ducs, marquis, comtes, vicomtes, barons, châtelains et autres justiciers de son royaume ont droit de poids et mesures, d’aulnage en leurs terres et seigneuries ; mais pour un bien public, il a été ordonné que tous poids, mesures et aulnes, seront réduites à une même forme, lesquelles seront toutefois marquées des armoiries des seigneurs qui ont droit de poids, de mesure et aulnage.

Sont en possession et saisine de justicier les fausses mesures ; que leurs titres anciens portent jus de teloniis, qui est avoir un étalon pour ajuster les mesures.

  • Aulnage est mesure pour mesurer les draps et toiles

  • Minage est mesure pour mesurer le bled, avoine et autres grains

  • Planche « fabrication du tonneau, tonnellerie, tonnelier », tirée de l’Encyclopédie ou Catalogue raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers de Diderot & D’Alembert, 1762-1772.

    Jaugeage est mesure pour mesurer et jauger les vaisseaux et futailles

 

  • Etalon sert pour régler et ajuster les poids et mesures

  • Arpentage n’est autre chose que mesurage des terres

Le droit de mesure était un droit qu’avait différents seigneurs de régler les mesures dans leurs seigneuries. Le mesurage signifie un droit seigneurial qui se prend sur chaque mesure. Le seigneur avait donc droit de bailler mesure à bled et vin, en prenant le patron et essief de son suzerain

Le droit de mesures à bled et à vin appartenait au seigneur de MONTJEAN de GENNES ; c’était une mesure primitive ; il avait son patron pour appatroner les mesures de ses vassaux et sujets.

Les hôtelleries du bourg de GENNES et du bourg des ROZIERS prenaient la mesure à vin du seigneur de MONTJEAN de GENNES ; leurs pintes en étaient visitées par les officiers de cet endroit et appatronnées à l’étalon de la seigneurie de MONTJEAN DE GENNES. Des procès-verbaux desdites visites auprès des aubergistes et cabaretiers furent établis ; ils les firent confisquer si elles n’étaient pas conformes à l’étalon et si elles n’étaient pas marquées des armes dudit seigneur. Les mesures à bled et à vin des habitants du bourg des ROZIERS étaient également visitées par les officiers du seigneur de Saint-Cassien, suzerain du seigneur de MONTJEAN de GENNES.

Les officiers de BEAUFORT n’avaient pas droit de donner les mesures auxdits habitants, ni de les visiter quand ils l’avaient voulu faire ; ils en avaient été empêchés.

SOURCE : AD 49 COTE 1 E 1227

ORDONNANCE 1612 VISITE MESURES A VIN CABARETIERS ROSIERS Source AD 49 Cote 1 E 1227

Le 24 février 1612, une ordonnance fut établie par Monsieur le Sénéchal des justices de SOUS-LE-PUY, MONTJEAN DE GENNES et de ROYRIE, aux fins de faire la visite des mesures à vin chez les aubergistes et cabaretiers du bourg des ROZIERS.

Voici divers procès-verbaux des visites des mesures à vin des aubergistes et cabaretiers du bourg des ROZIERS et du bourg de GENNES, dont on peut prendre connaissance dans un registre des Archives départementales d’ANGERS sous la cote 1 E 1227.

  • - Le 3 mars 1612, procès-verbal de visite faite à la requête du procureur de cour des justices de SOUS-LE-PUY et de MONTJEAN de GENNES, sur les mesures à vin qui se sont trouvées en la maison de Mathurin POISSON, hoste, vendant vin au bourg des ROZIERS, lesquelles se sont trouvées de mesure et conformes à l’étalon et marquées aux armes des seigneurs desdites justices, sauf un vaisseau qui, ayant été trouvé petit, a été saisi.

  • - Le 3 mars 1612, procès-verbal de visite en l’hôtellerie de l’Ecu de France au bourg des ROZIERS ; les mesures se sont trouvées conformes à l’étalon de SOUS-LE-PUY et de MONTJEAN DE GENNES.

  • - Le 3 mars 1612, en l’hôtellerie de l’Ecu de Bretagne au bourg des ROZIERS ; les mesures se sont trouvées conformes, après quoi elles ont été marquées aux armes du seigneur desdites justices.

  • - A la même date, autre procès-verbal fait par les susdits officiers sur les mesures à vin qui se sont trouvées en la maison de la veuve Jean GUYONNEAU au bourg des ROZIERS ; elles se sont trouvées conformes à l’étalon.

  • - Item, en la maison de Clément ROCHEREAU au bourg des ROZIERS, mesures conformes à l’étalon

  • - Item, en la maison de l’hôtellerie de Sainte-Marthe, au bourg des ROZIERS, mesures conformes à l’étalon.

  • - Item, en la maison de Paul BOUCHER au bourg des ROZIERS

  • - Item, en la maison de Julien ROCHEREAU au bourg des ROZIERS

  • - Item, en la maison de Maître Urbain MARCHAND, au bourg des ROZIERS

  • - Item, en la maison de Louis DELHOMMEAU, au bourg des ROZIERS

  • - Item, en la maison de François LECOMTE, au bourg des ROZIERS

  • - Item, en la maison de l’hôtellerie du Lion d’Or, au bourg des ROZIERS

  • - Item, en la maison de Jean PHILIPPEAU, au bourg des ROZIERS

  • - Item, en la maison de René GAUTIER, au bourg des ROZIERS

  • - Item, en la maison de René HALBERT, au bourg des ROZIERS

  • - Le 9 mars 1612, procès-verbal fait par les sergents de justice de SOUS-LE-PUY et de MONTJEAN DE GENNES, sur les mesures à vin qui se sont trouvées en la maison de Maître Jean AMBELLOU, au bourg de GENNES

  • - A la même date, en la maison de Françoise BERTHELOT, au bourg de GENNES Le 17 février 1494, un acte constate que la mesure de GENNES est plus grande que celles de DOUE et de MONTREUIL-BELLAY, de deux boisseaux sur douze, et de celle de BEAUFORT, d’un boisseau sur douze.

Le 12 février 1629, un aveu rendu à la Baronnie de BAUCAY LE NOBLE par Messire François de CHERITE, chevalier, seigneur de SOUS-LE-PUY, pour raison de la terre en haute justice de MONTJEAN DE GENNES précise parmi les droits cités, « 10 – Item, j’ai droit de bailler mesure à bled et à vin, à tous mes hommes et sujets ».

SOURCE : AD 49 COTE 1 E 1257

PUIS VINT LE SYSTEME METRIQUE ……

Les cahiers de doléance rédigés lors de la Révolution de 1789 réclamaient une mesure universelle pour s'affranchir de l'arbitraire des unités de mesure seigneuriales. Le climat de réforme qui suivit les événements révolutionnaires permit de précipiter le choix d'un étalon. Une commission est instituée le 16 février 1791 pour définir cette unité universelle. Elle est composée de Jean-Charles de Borda, Nicolas de Condorcet, Pierre-Simon de Laplace, Joseph-Louis de Lagrange et Gaspard Monge. Le choix doit être fait entre trois références possibles : la longueur du pendule simple à secondes à la latitude de 45°, la longueur du quart du cercle de l'équateur ou enfin la longueur du quart du méridien terrestre. C’est cette dernière mesure qui est retenue le 26 mars 1791, date de création du mètre qui est défini comme la dix millionième partie du quart du méridien terrestre.

Le système métrique décimal est alors institué le 18 germinal an III (7 avril 1795) par la loi « relative aux poids et mesures », mais il faudra attendre la loi du 4 juillet 1837, sous le ministère de François Guizot, pour que le système métrique décimal en France soit adopté de manière exclusive.

Le 20 mai 1875 a été signée à Paris la convention du Mètre par dix-sept États. Le Bureau international des poids et mesures a été créé à cette occasion.

Le pavillon de Breteuil, à Saint-Cloud abrite le BIPM depuis 1884, date à laquelle le bâtiment destiné à l'aménagement des laboratoires, appelé « Observatoire », fut mis en service.