HISTOIRE ECCLESIASTIQUE DE GENNES SOUS L’ANCIEN REGIME

 

A GENNES la cloche de l’église retentit toutes les demi-heures de jour comme de nuit. Le matin, à 7 heures, le midi et le soir à 19 heures, trois coups et une volée d’une minute évoquent l’Angélus appelant à la prière, il en était ainsi autrefois ; à présent, c’est davantage l’écoulement du temps, des heures…

Comptant parmi les plus vieux instruments sonores, les cloches ont toujours été associées à la Chrétienté ; leur fonction première fut liturgique : par leurs volées et leurs tintements, elles appelaient les fidèles à se rassembler et à prier, associant leurs chants aux joies et aux peines de la communauté chrétienne. Ils assistaient régulièrement à la messe, aimaient les processions et les pèlerinages, mêlant la foi religieuse et les pratiques plus ou moins magiques. Le grand souci était de mourir chrétiennement et d'être enterré religieusement.

 

Partons au fil du temps, à la découverte des paroisses du village sous l’ancien régime.

 

Il y avait alors à GENNES deux paroisses dépendant de l’archiprêtré de SAUMUR et de la généralité de TOURS : Saint-VETERIN et Saint-EUSEBE.

L’église de Saint-VETERIN faisait partie du domaine royal et le roi Charles le Chauve, à la prière de l’évêque de POITIERS, Ebrouin, la donna à l’abbaye de Saint-MAUR, le 21 octobre 845

L’église de Saint-EUSEBE formait l’annexe d’un prieuré. Le seigneur ecclésiastique de la paroisse de Saint-EUSEBE était l’Abbé de la Couture du MANS qui nommait de plein droit le prieur, titulaire de la paroisse. La cure et le prieuré étaient à la collation de l’évêque d’ANGERS.

En dehors des droits temporels exercés par les prieurs de ces deux paroisses, les honneurs seigneuriaux paraissent avoir appartenu concurremment, mais sans non vives et fréquentes contestations :

- au Seigneur de TREVES et celui de la HARIELLE, en même temps seigneur de JOREAU, pour la paroisse de Saint-VETERIN,

- Au seigneur de SOUS-LE-PUY qui avait le titre de fondateur de la paroisse de Saint-EUSEBE de GENNES et relevait de la baronnie de SAINT-CASSIEN-EN-LOUDUNOIS.

Les seigneurs possédaient des armoiries ; ils ont toujours voulu marquer leur pouvoir et la possession de leurs terres au moyen d'écussons. Ils les apposaient sur leur château ou manoir, sur les calvaires et les églises, ou encore sur d'autres édifices comme les colombiers. En effet, les terres nobles ou fiefs conféraient à leurs propriétaires des droits, des privilèges, des honneurs. Il fallait donc y imprimer sa marque.

L'église était certainement le lieu privilégié où ils pouvaient afficher leurs prééminences par rapport à leurs vassaux et leur puissance sur le peuple Le désir de paraître aux premiers rangs dans l'église et la recherche de certains honneurs rendus par le clergé amenèrent, entre seigneurs et gentilshommes, des querelles parfois ridicules, dans un lieu d'où les invectives et les violences auraient dû être à jamais bannies.

 

Les droits honorifiques dans les églises étaient les suivants :

 

1 - droits majeurs ou majores honores

  • Les armoiries
  • Droit de banc : avoir son banc à coffre ou à queue dans l'église près du choeur, de préférence du côté de l'évangile
  • Droit de sépulture : être enterré dans le sanctuaire c'est-à-dire près maître-autel dans le chancel. C'est donc là que l'on trouvera les enfeus des prééminenciers : tombes plates, tombes levées ou niches funéraires pratiquées dans la muraille.
  • Droit d'oratoire : disposer d'une chapelle privative et souvent close
  • Droit de litre : "La litre était une sorte de frises funéraire que l'on peignait intérieurement et extérieurement sur les murs d'une église lorsque le seigneur patron de cette église mourait". "lisière" ou "ceinture" est synonyme de litre.

2 - droits mineurs ou minores honores

  • le pain bénit : recevoir le pain bénit avant les autres fidèles
  • l'eau bénite : recevoir l'eau bénite par le prêtre
  • l'encensement : être encensé par le prêtre
  • la prière nominale : être nommé et recommandé à la prière publique des autres paroissiens
  • la procession : être reçu à l'église par le clergé qui se déplace en procession pour accueillir le seigneur

Les archives départementales d’Angers conservent de nombreux documents nous apportant de précieux renseignements sur ces droits de banc, de litre.

 

SAINT EUSEBE DE GENNES

- Le 7 novembre 1638, René de PESCHERAD, Seigneur de la Roche de GENNES, adressa une requête pour faire valoir son droit honorifique de posséder un banc dans l’église de Saint-Eusèbe.

Monsieur le Président Séneschal et lieutenant général à Saumur,

Supplie humblement René de PESCHERAD, Seigneur de la Roche de Gennes en personne et nous remontre que come Seigneur de ladicte terre de la Roche de GENNES, il est fondé d’avoir un bancq dans l’églize de Sainct-Euzèbe dudict Gennes, lequel bancq a esté de temps immémorial dans ladicte églize et ses prédécesseurs, Seigneurs de la Roche de Gennes, en auroient ioui 1 sans contredit sinon depuis quelque temps en çàque le Sieur du CHENE PESCHERAD père du suppliant auroit négligé de faire réparer ledict bancq lequel estoit tout usé et rompu de vétusté, ce qui auroit donné suject audict suppliant de faire mettre un bancq neuf au mesme endroict où étoit l’ancien bancq des Seigneurs de la Roche de Gennes mais d’autant que ledict suppliant a appris que lesdits habitans de Sainct Euzebe, mal informés de ses droits, prétendent que ledict de PESCHERAD n’a eu droict de faire mettre ledict bancq dans l’endroict où il a esté plassé sans leur consantement. Ledict suppliant désireroit faire assembler lesdits habitans pour délibérer et déclarer s’ils ont moien 2 pour empescher que ledict bancq ne demeure dans l’endroict où il l’a faict plasser.

Ce considéré, Monsieur, nous plaise ainsi l’ordonner et ferés justice.

Signé, R de PESCHERAD, JAUNAY

Veu la requête ci-dessus, nous ordonnons que lesdicts habitans s’assembleront jeudy prochain à l’issue de la grande messe pour délibérer sur les fins d’icelle et à ceste fin sera ladicte requête, avecq ordonnance, publiée à l’assemblée de ladicte grande messe.

Fait à Saumur ce 7e novembre 1638.

Signé : Adam LEBOEUF

1 – joui

2 – moyen

Source : AD49 cote 288 J 13

 

 

 

 

Eglise Saint Véterin -Le Clocher

Un registre, le 25eme tome du comté de TREVES, contenant les titres au soutien des droits honorifiques dans l’église de Saint-Vétérin de GENNES appartenant au Seigneur dudit comté de TREVES et au Seigneur de la Harielle en GENNES, nous donne d’intéressants témoignages

 

 

 

Une sentence du 13 décembre 1622 rendue en la Sénéchaussée de Saumur, confirmée par arrêt de nos Seigneurs de la Cour de Parlement, à Paris, du 12 mai 1629, adjuge au Seigneur, baron de TREVES, les premiers droits honorifiques dans l’église de Saint-Vétérin de GENNES, qui lui permet de faire choix et élection de tel côté que bon lui semblera, dans le chœur de ladite église, pour mettre son banc et désigner lieu de sépulture, et après lui, pourra le Seigneur de la Harielle, avoir et prendre lieu de sépulture dans le chœur de ladite église, et y mettre son banc, soit au-dessous de celui dudit seigneur de TREVES, ou de l’autre côté du chœur, de sorte que ce soit un pied plus bas que celui du Seigneur de TREVES. Permet en outre à ce dernier de mettre une littre de ses armoiries au-dedans de ladite église et au-devant de la grande porte d’icelle au-dessus de celle dudit Seigneur de la Harielle et encore de faire mettre une littre à l’entour du dehors de ladite église. Condamne ledit Seigneur de la Harielle d’oster ou faire besser et mettre au niveau du carreau en place du chœur, la tombe qui y est élevée, du côté où est le pupitre.

Une procédure, entamée depuis le 23 juin 1725 jusqu’au 6 février 1726 nous apprend :

à la requête de Monseigneur le Prince de Condé, Baron de TREVES, contre Messire Christophe COURAUT, prêtre, curé de Saint-Vétérin de GENNES, pour avoir par ledit Sieur Curé, le dedans des murs de l’église, fait effacer la littre et armoiries des anciens seigneurs, barons de TREVE, en les faisant couvrir de chaux vive et d’avoir en outre fait mettre une pierre tombale au niveau du carreau dans le chœur de ladite église du côté de l’évangile, directement dans la place réservée de tous temps pour lui Seigneur de TREVES et ses successeurs.

Sur laquelle contestation a été arrêtée au Conseil de S.A.S Monseigneur le Prince, que ledit Sieur COURAUT fera rétablir la littre et nettoyer les armoiries de son Altesse, dans ladite église de Saint-Vétérin de GENNES, qu’il fera oster la pierre tombale qu’il a fait mettre dans le chœur à côté de l’évangile et rétablir ledit endroit en son premier état, le tout à ses frais et dépens.

Un arrêt de la Cour de Parlement de PARIS le 2 juin 1761 nous apprend :

par lequel est ordonné que le Sieur Curé de Saint-Vétérin de Gennes et ses successeurs curés de la paroisse recommanderont Messire Jean de STAPLETON, comte de TREVES et sa famille aux prières des Prônes de ladite paroisse, et qu’après lui et sa famille, ledit sieur curé et successeurs recommanderont aux dites prières Dame Geneviève Mélaine LECLERC DE BRION, veuve de Messire Pierre De LAURENT et ses enfants en qualité de Seigneur de la Harielle, maintient ladite Dame De LAURENT dans la jouissance de l’oratoire construit dans l’enfoncement du pilier du chœur de ladite paroisse du côté de l’épitre, sans pouvoir néanmoins lui donner plus d’étendue et sans préjudice des droits de primauté et prééminence appartenant audit Seigneur de STAPLETON, en qualité et Seigneur de TREVES, dans la dite église Saint-Vétérin de GENNES.

Source : AD49 cote E 1344

Le banc à queue est une espèce de coffre, avec dossier et accoudoir, où peuvent prendre place plusieurs membres d'une famille. Il peut être fermé au moyen d'une serrure. Sa caractéristique est d'être privatif et permanent. En droit, tous les sièges de l'église doivent être publics, hormis le banc propre du patron et du haut justicier ; en fait, le grand nombre de seigneurs, petits et grands, qui se partagent les revenus féodaux de la paroisse, réussissent à obtenir une place réservée. Les uns établissent un banc à queue sur l'emplacement de la sépulture de leur seigneurie ; d'autres introduisent, dans le haut de la nef ou près d'un pilier, un siège individuel et portatif qu'on appelle "escabeau" ; d'autres encore apportent un simple "carreau".

Contrairement à nos jours, les églises sous l’Ancien Régime n’étaient pas remplies de chaises et de bancs pour poser son séant. Seules les personnes aisées bénéficiaient de ce privilège, moyennant redevance, tandis que les gens ordinaires restaient debout pour écouter la messe. Détenir un banc permettait donc d’afficher son rang et de l’imposer aux manants du village

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Puis vint la Révolution, créant une société nouvelle, remettant en cause l’ordre social……

Dans chacune de ces paroisses, la Révolution établit une municipalité ; Saint-Vétérin, plus riche, put se maintenir dans son nouveau rang. La municipalité de Saint-Eusèbe fut dissoute au bout d’une année, faute de ressources suffisantes pour vivre et fut forcément réunie à celle de Saint-Vétérin, qui devint l’unique municipalité de GENNES.

Saint-Vétérin est l’église paroissiale de GENNES. Les sonneries régulières de ses cloches font partie de notre vie quotidienne ; elles sont l’âme de notre village !