Mais avant d’avancer dans l’histoire, parlons de la rivière, l’Avort. Voici ce que nous apprend Célestin PORT…..

L’AVORT, une fontaine née presque au sommet du coteau sud-ouest, au bord et au nord de la forêt de Milly, sur la commune de GENNES qu’elle sépare de LOUERRE ; elle reçoit le ruisseau de MILLY et se jette dans la Loire, après avoir fait tourner huit moulins à blé et un moulin à tan, dans un parcours de 6 kilomètres environ. Les traditions les plus singulières ont attiré depuis longtemps l’attention sur cette source, autrefois perdue au fond de bois inconnus. A AVORT, le diable est mort, est un dicton du pays. Des faits plus certains provoquent l’étude. La source jaillit d’un plateau calcaire, par une multitude jets, dans le lit sableux d’un vaste bassin en forme d’un parallélogramme irrégulier (36m sur 6), d’où s’épanche le ruisseau d’une eau limpide, abondant, incolore et diaphane, quoique opaline, sans dépôt, sans odeur, d’un goût à peine salé, où le savon se dissout bien mais sans mousser. Le courant, raconte-t-on, ne gèle jamais. Les oies et les canards qui s’y baignent d’ordinaire donnent naissance à des êtres difformes et monstrueux qui ne peuvent vivre ; les grenouilles qui y séjournent n’y coassent pas. Quand on défricha les terrains bas et marécageux, qui avoisinent la source, les travailleurs y perdirent, les uns leurs cheveux, d’autres les ongles. Le grain des premières moissons, loin d’alimenter, ôtait toute force et attaquait les sources de la vie.

En 1777, l’Abbé PICHON, historiographe de Monsieur, et après lui, avec une véritable autorité scientifique, le docteur TESSIE-DUCLUSEAU, des ROSIERS, ont vérifié et certifié ces phénomènes, en réalité peu mystérieux, dans des mémoires insérés par le premier dans les affiches d’ANGERS au 18 octobre 1778, par le second dans le journal de physique. En 1827, Mr BOREAU, actuellement directeur du Jardin Botanique d’ANGERS, reprit cette étude, dont il a publié les résultats dans les Mémoires de la Société d’Agriculture, ainsi que le détail d’une nouvelle analyse confiée à Mr BONASTRE, pharmacien de PARIS. Il reste, comme l’indique son mémoire, à compléter avec les procédés de la science nouvelle, ces essais sans suite.

LAVOIR D’AVORT

En attendant, la source d’AVORT sert de lavoir public, est l’eau est employée sans souci des vieux contes aux divers besoins des habitants qui n’en paraissent pas souffrir non plus, à vrai dire, que la famille de leurs canards.

Source : AD 49 Célestin PORT.

 

La monographie de l’Abbé BOURASSEAU nous apprend une légende amusante, relevée dans le travail de BOREAU, publié dans les mémoires de la société d’agriculture d’ANGERS en 1850.

A la Cour d’AVORT, il y avait jadis un château fortifié, habité par une noble famille. Cette famille avait dans sa parenté ou du moins au nombre de ses connaissances intimes un saint prélat qui venait souvent célébrer dans la chapelle du château. Or cette chapelle était très rapprochée du ruisseau d’AVORT, et ce ruisseau était le lieu de plaisance d’une colonie de brataciens. A peine le bon évêque commençait-il à psalmodier ou à réciter les prières de la messe que dames grenouilles l’accompagnaient en chœur. Sa voix était couverte par leurs disgracieux coassements auxquels se mêlaient les cris non moins agaçants des canards et des oies. C’était, à n’en pas douter, le malin esprit qui jouait ce bon tour au Saint Evêque. Un jour, la patience du prélat n’y tint plus. Donc, indigné le célébrant conjura la fontaine et tous ces coquins d’animaux dont les cris l’assourdissaient. Dès lors, les grenouilles d’AVORT devinrent muettes, oies et canards sans postérité, d’où ce dicton du pays : « A AVORT, le diable est mort ». Toutefois, ajoute la légende, si les grenouilles d’AVORT se taisent, ses lavandières ne sont pas restées muettes du tout, du tout…….